vendredi 20 septembre 2013

Un couteau pour mon camembert!

Quand j'ai eu 10 ans, mon oncle m'a offert mon premier couteau...

Lui était ingénieur, et fabriquait des machines-outils (le genre d'automates qui vous plie une feuille de carton en moins de deux pour en faire une brique de lait), et souvent il fournissait les coutelleries. Et comme il était originaire du massif central, il m'offrit un Laguiole (véritable).

Imaginez un peu mon émerveillement devant cette belle pièce d'acier inoxydable, entourée d'un manche en bois de genévrier, et qui laissait s'échapper une odeur de poivre à la prise en main. Rien de tel pour impressionner mes copains de l'époque en coupant un saucisson comme du beurre - ou en fabriquant un lance-pierre à partir d'une branche en Y et un gros élastique (même si on me l'avait alors interdit). Avec cet engin là, je passais d'enfant à petit homme!


À l'époque, il m'avait expliqué que ce qui faisait qu'il était si solide, c'était le trempage de la lame et surtout l'âme de celle-ci, qui se logeait jusqu'au bout du manche. Ce qui faisait qu'on pouvait bien transmettre les mouvement du poignet jusqu'à la pointe de ce mini-sabre, sans risquer qu'il se brise contre résistance.





Quand j'ai choisis de devenir médecin généraliste, je me suis plu à comparer cette profession à un autre tranchant, un couteau-suisse en l’occurrence. Outil indispensable et multi-fonction qui fait passer le premier quidam pour un véritable Mac Gyver.

http://cache.gawkerassets.com/assets/images/17/2010/02/340x_macgyver1.jpg 

C'est vrai que la métaphore était séduisante: voir des patients différents (et uniques!) avec des problématiques différentes (sortant parfois de l'ordinaire), c'était souvent une aventure (on dit bien avec sa b*** et son couteau, après tout). Des vieux, des jeunes, des grands, des gros, des on-ne-sait-pas-trop... Au cabinet, à domicile... Soins d'un jour et/ou d'une vie.


Alors pour me rendre polyvalent, je me suis inscrit au DES de médecine générale après l'ECN, et en échange on m'a donné une "maquette" (comprenez cursus) à valider pour obtenir le fameux doctorat. Comment cela a-t-il contribué à équiper mon fameux couteau-suisse encore à l'état de manche (car inexpérimenté)? Allez, lecteur, pour toi, je te le raconte:
 

Tout d'abord, un gériatre m'a expliqué que tel médicament était mieux que tel autre médicament dans la démence. Qu'il fallait bien penser à doser la vitamine D chez toutes les nouvelles entrées, et que si le papy/la mamy pouvait rester 5 jours en tout dans le service (ni plus ni moins), ça rapporterait des sous.
Je savais donc comment entuber la sécurité sociale et financer un hôpital privé à but non lucratif (ha,ha).

http://www.rms-informatique.fr/img/cms/technicien%20informatique%20ariege.jpgAprès, un urgentiste m'a montré comment "claquer de la dobu" à un patient en décompensation cardiaque et réaliser une ponction pleurale sous échoguidage. Il m'a montré qu'on pouvait s'adresser à un malade avec le minimum de considération, et que celui-ci dans la détresse pourrait même vous en remercier. Qu'on n'avait de toutes façons qu'à lancer un bilan et on verrai après.
Ça y est, je pouvais élargir le fossé des dépenses publiques en santé, et devenir un technicien du corps humain.
Puis, changement radical, vient le stage en médecine générale. Mes maîtres de stage m'ont prêté leur cabinet et appris à gérer cette micro-entreprise, expliqué comment faire pour répondre à toutes les demandes du patient (même celles qui n'étaient pas ouvertement exprimées). Après m'avoir montré comment se détacher de l'influence des laboratoires pharmaceutiques, ils m'ont formé au développement personnel continu et au recours à la littérature scientifique pour prescrire à bon escient. Sans trop d'efforts j'ai pu en déduire tout seul que les médicaments contre la démence, c'est surtout une histoire de gros sous.

Six mois de bonheur, et si mes compétences se sont développées à grande vitesse, il restait de l'expérience à acquérir...

Ensuite j'ai croisé un pédiatre sympa. Il m'a dit de ne pas me prendre la tête avec la réhydration intra-veineuse du nourrisson. Plutôt, il m'a montré comment reconnaître ceux qui en avaient réellement besoin, et surtout quels étaient les bons conseils qu'on pouvait donner aux parents pour éviter d'en arriver là. Ça commençait à me plaire.
Exemple flagrant d'un spécialiste hospitalier qui s'intègre par la formation dans un système complexe et complémentaire de soins (si, si, ça existe!)
Malheureusement le gynécologue me rattrape par le col, en me disant que le planning est serré et qu'on ne peut pas passer non plus trop de temps à parler au patients. Peut-importe qu'on lui annonce une fausse-couche ou une stérilité. Par contre des implants contraceptifs ça on m'en a fait poser à la pelle. Et mon temps libre où je suis sous-exploité et rêve de médecine générale, ben je l'utilise pour poser ces mots.

Eh oui, l'inverse existe aussi, et c'est bien souvent celui-ci qu'on rencontre...


Cher lecteur, excuses-moi de t'avoir emmené jusque là, j'ai fait fausse route. Un  généraliste est tout sauf un couteau-suisse. Il est bien plus que la somme de diverses fonctions que représenteraient les traditionnelles spécialités médicales. C'est juste un simple couteau, mais bien conçu. Et ce qui fait sa force c'est surtout la manière dont on sait l'utiliser et pas ce qui le compose. En médecine générale, on appelle ça des compétences (margueriiiiiite!). Et ces compétences, on les instruit du mauvais côté dans notre branche, en ajoutant des lames souvent inutiles et par le mauvais côté - alors que c'est par le manche de l'âme du couteau qu'il faudrait commencer, au risque d'être #PrivésDeMG. D'ailleurs mon laguiole je l'ai toujours, mon couteau-suisse lui par contre a fini par se détériorer...

Amis internes, thésés de toutes spécialités, enseignants dévoués et patients reconnaissants, faisons valoir notre gros manche avant qu'il ne ressemble à du petit bois (pas pu m'empêcher, désolé :) ).

Devenir un bon généraliste passe par un enseignement adéquat et approprié, c'est ce à quoi est destiné le développement de la #FUMG.

Bordel, c'est pourtant pas si difficile à comprendre, un enseignement de généraliste, par des généralistes, pour des généralistes!



Et d'ailleurs je ne suis pas le seul à le penser! 
Trouvez la suite sur ces somptueux blogs:

Pour tout ceux que j'ai oublié, retrouvez les ici ou ici (en fin de post)!
 

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